LE TRIPTYQUE DES COULEURS (1)
A trop vouloir chercher la couleur de son cœur
On peut errer parfois sur le chemin des leurres
Car de brillance pure et de délicatesse
Est sa teinte native
On la saisit parfois au creux doux d’un sourire
Dans une main serrée qui nous est fraternelle
Si vif est son éclat qu’elle surgit soudain
Comme un embrasement surprenant nos destins.
A trop vouloir chercher la couleur de ses rêves
On s’égare parfois aux chemins bleus d’un ciel
Qui n’existe jamais et qui brise l’espoir
Car de diaphane essence
Est sa teinte natale
Et mieux vaut la garder dans un coffre scellé
Où dorment pêle-mêle les fleurs d’une utopie
Et les jolis cristaux d’un amour idéal
Unissant les humains, les bêtes et les astres.
A trop vouloir chercher la couleur du savoir
On peut perdre l’esprit sur la route sans fin
D’un mystère fuyant d’âge en âge plus loin
Sans qu’on puisse vraiment soulever tous ses voiles
Car mouvante et volage
Est sa teinte diaprée
De symboles complexes et de signes cachés
Et mieux vaudrait admettre avec humilité
Qu’il est presque impossible de la capturer.
Mais à toujours chercher ces couleurs d’existence
On se façonne un monde aux contours fascinants
Comme une roue cosmique aux tourbillons géants
Qui sème à mille vents ses milliards de rayons
Pour nous donner l’envie
De mordre à l’infini
Chaque couleur avec un immense appétit…
LE TRIPTYQUE DES COULEURS (2)
Le mauve s’est promené aux pointes des lilas,
Sur les pétales rares des roses surannées
Qui poussaient au jardin d’une dame précieuse
Et puis s’étant caché dans le creux des iris, il s’est mis à rêver
D’un voyage au pays des grands lacs violets
Puis il s’est envolé…
Le bleu d’un pas cristal a parcouru le ciel
Ecartant les nuages aux franges cotonneuses
Puis il s’est déposé en gouttes de turquoise
Sur les vagues dansantes des lagons oubliés
Avant de se lover, délicieusement,
Dans le regard profond d’un tout petit enfant
Et celui-ci levant sa main vers le soleil
A cueilli sur sa paume de jolis tisons blonds
Pour les faire jouer sur les bords d’un miroir
Où ils se sont changés en milliers d’anneaux d’or
Qui se sont enroulés
Aux doigts des fiancés…
Alors fut la demande en blanc de mariage,
Tout de dentelle fine et d’amour adorable
Tout paraissait de nacre comme les coquillages
Dont le ventre secret recèle des trésors :
Des perles de lumière
Belles comme des lys
Qui vont orner l’épaule des princesses charmeuses…
Et de leur cœur plus rouge que le sang des rubis
Plus ardent que la pourpre à la traîne des rois
Plus brûlant que le feu des forges ancestrales
Les épousées ont dit à l’élu de leur âme
L’engagement sans faille
De leur passion profonde
Tandis que sur leurs joues toutes embuées d’émoi
Glissait un rose pâle
Pareil aux flocons fins des cerisiers en fleurs…
LE TRIPTYQUE DES COULEURS (3)
La neige bleuissante aux flocons transparents
Qui parle de clarté aux longs hivers d’argent
S’invente une légende où le monde en couleurs
Peint une toile en fête éclatante et diaprée
Une volée d’archanges au sommet des glaciers
A caché des cristaux gros comme des coffrets
Et leur beauté rayonne au fin fond des ténèbres
Limpidités issues du temps des millénaires
Quand régnaient le silence et le gel sur la terre
Et puis se sont éclos les grains les plus précieux
Tout ce qui luit, frémit, scintille à l’infini
La nacre dans la mer et l’or dans les rivières,
Les rubis, les saphirs, et tous ces diamants
Trésors de l’univers convoités par les hommes
Les teintes rivalisent, s’exaltent, se combattent,
C’est ainsi que la terre aux glèbes marronnâtres
Envie l’aigue-marine et l’azur dans les cieux
Et l’herbe d’émeraude aimerait dérober
La splendeur mordorée des lointains crépuscules
Le vert des lagons purs songe aux glaces d’Arctique
Déserts immaculés flamboyant tout en blanc
Chaque fleur a son rêve et l’on ne peut savoir
Si sa couleur natale est un bonheur pour elle
Ainsi l’homme complexe aux multiples pensées
Recherche la couleur symbolisant sa vie
Faite de tons ardents ou de nuances fines…